
05 mai 2025
Le comité IDEA de l’AFP Québec a eu la chance de s’entretenir avec Akilah Newton, fondatrice et directrice générale d’Overture with the Arts (OWTA ci-après), pour discuter de l’intersection entre le monde des organismes à but non lucratif et la diversité.
OWTA est un organisme à but non lucratif basé à Montréal, fondé en 2009, dont la mission est de rendre les arts plus accessibles aux jeunes de tous horizons. Ayant une formation en gestion du divertissement et une passion pour le travail communautaire, Akilah a créé OWTA après avoir dirigé une école des arts de la scène et constaté que des barrières financières empêchaient de nombreux enfants d’y participer. Ce qui a commencé par des activités parascolaires est rapidement devenu un programme intégré aux salles de classe, notamment une tournée marquante de présentations pour le Mois de l’histoire des Noirs mettant en lumière des pionniers canadiens, ce qui a permis à OWTA de gagner en notoriété.Aujourd’hui, OWTA célèbre son 16e anniversaire, dessert jusqu’à 100 écoles chaque année à travers le Canada et propose une variété de présentations sur la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI). Ces présentations, comme « Déconstruire le mot en N » ou « P comme privilège », sont enrichies de musique et de poésie slam – la touche artistique propre à OWTA – et peuvent être adaptées tant aux milieux scolaires qu’aux environnements corporatifs.
Notre conversation a porté sur les changements générationnels dans la philanthropie, les communautés sous-représentées, sa vision pour l’avenir et l’importance du mentorat.
Q : Comment percevez-vous l’évolution culturelle dans l’engagement de la prochaine génération de philanthropes et de bénévoles?
R : Il y a eu un énorme changement depuis mes débuts dans ce domaine, il y a seize ans. La génération Z, en particulier, est très consciente de ce qui se passe dans le monde, à tous les niveaux. En tant que membre de la génération X, je n’étais certainement pas une activiste à l’adolescence. Mais cette génération est très informée, en grande partie grâce aux médias sociaux. Une vidéo d’une minute peut mobiliser rapidement les jeunes, comme on l’a vu très clairement en 2020 avec le mouvement Black Lives Matter (BLM ci-après) après la diffusion de la vidéo de George Floyd. Les jeunes sont plus engagés, ils veulent jouer un rôle de leadership et dire les choses telles qu’elles sont.
Q : Comment le climat politique actuel influence-t-il le travail d’OWTA et/ou vos donateurs ? Est-ce que cela affecte votre approche personnelle ?
R : Oui, dans une certaine mesure. Je ne m’inquiète pas trop de la volatilité des donateurs institutionnels. Nous sommes en relation avec des fondations et des bailleurs de fonds qui partagent la même philosophie qu’OWTA. Toutefois, au niveau individuel, le climat politique est plus déterminant. OWTA est très engagé dans la défense des droits, les initiatives EDI — et nous avons vu certains donateurs cesser de contribuer ou de participer à nos événements. Et c’est tout à fait correct ! Nous voulons attirer des personnes qui partagent notre vision.
Q : Quelle est votre vision pour toucher les communautés traditionnellement sous-représentées dans le milieu philanthropique?
R : Cela revient à un déséquilibre au niveau de l’emploi. Il est rare de voir des communautés marginalisées bien représentées dans des postes de direction. Si les personnes qui prennent les décisions budgétaires dans les grandes entreprises ne représentent pas ces communautés, il y aura toujours un écart. Il est utile d’avoir des membres de ces communautés dans d’autres rôles au sein des entreprises, qui donnent de leur temps et exercent une influence ascendante, mais ce n’est pas suffisant.
Q : Vous avez évoqué la génération Z et l’impact des réseaux sociaux. Or, ces plateformes peuvent aussi être le théâtre de comportements agressifs ou hostiles de la part de certains internautes. Comment réagissez-vous face à cette réalité?
R : J’ai mentionné plus tôt l’importance des médias sociaux pour inspirer la génération Z, mais il faut aussi savoir quand s’en éloigner. Je n’interagis pas avec les « guerriers du clavier ». Ils ne me connaissent pas, ne connaissent pas mon organisation, ni nos valeurs ; ils veulent seulement projeter une image sans réel échange humain. Je ne trouve ni utile ni sain de répondre à ce type de négativité. Moi, j’ignore, je supprime et je passe à autre chose. On ne peut pas plaire à tout le monde, et je préfère concentrer mon énergie sur le positif.
Q : Comment voyez-vous l’avenir de la philanthropie dans les 3 à 5 prochaines années ?
R : On observe déjà des changements structurels. Une grande évolution qui touche OWTA est la modification des lois qui permet aux fondations privées de faire des dons à de plus petits organismes sans numéro d’enregistrement de l’ARC. Cela va ouvrir beaucoup plus de possibilités de financement pour les organisations communautaires. Ces petits groupes sont souvent fondés par ou au service de communautés marginalisées, et ils ont plus de mal à accéder aux grandes sources de financement à cause de la bureaucratie. Il est important d’ouvrir ces canaux tout en assurant un suivi adéquat.
Q : Quelle est la partie préférée de votre travail ?
R : Pouvoir être mentor. Je recommande à toute personne qui commence à développer une expertise de trouver quelqu’un à guider. J’adore partager les connaissances que j’ai acquises. J’aime tout particulièrement aider d’autres femmes entrepreneures et leaders. Je suis une grande partisane du partage. Il y a de la place pour tout le monde ; je ne vois pas les autres organismes comme des concurrents directs. On peut tous grandir ensemble.
Q : Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui débute dans le milieu philanthropique ?
R : Il n’existe pas d’idée trop petite pour démarrer. Les gens pensaient que j’étais folle quand j’ai voulu créer OWTA. Ils ne comprenaient pas pourquoi je quitterais un emploi stable et rémunéré pour entrer dans un domaine qui, littéralement, s’appelle « sans but lucratif ». Ils se demandaient pourquoi je ne voulais pas simplement grimper les échelons corporatifs. Alors, je dis à quiconque a une idée de foncer. Si j’avais écouté ceux qui me disaient de ne pas le faire, je ne fêterais pas aujourd’hui les 16 ans d’OWTA. Continuez à rêver grand.
En résumé, l’implication d’Akilah Newton nous rappelle qu’un engagement authentique peut transformer des idées en mouvements durables. Son parcours et celle de sa fondation inspire à créer de l’impact, à rêver et à ne pas sous-estimer le pouvoir que le changement communautaire peut avoir autour de nous. En misant sur l’art, l’inclusion et la jeunesse, OWTA aide à tracer la voie pour un avenir philanthropique accessible à tous et plus équitable.

Alessia A. Di Giorgio
Directrice principale, Événements et Dons de la communauté
La Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants
Membre du comité IDEA de l’AFP Québec

Mélissa Joseph
Conseillère en gestion de l’information et gestion de projets
Fondation de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Membre du comité IDEA de l’AFP Québec